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La position de l’historien Carl Pépin

La polémique sur le projet de reconstitution de la bataille des plaines d'Abraham

ce 2 février 2009 à 03h53
En compagnie de soldats écossais, le général James Wolfe escalade les hauteurs de Québec, le 13 septembre, 1759.
Crédit photo : Gallery of Military Art
En compagnie de soldats écossais, le général James Wolfe escalade les hauteurs de Québec, le 13 septembre, 1759.

À la suite de la controverse déclenché par le projet de reconstituer la bataille des Plaines d’Abraham au cours de laquelle Montcalm a perdu la vie et la France, la Nouvelle-France, qui passait aux mains des Britanniques, M. Carl Pépin, Chef de Division au développement culturel, qui est aussi historien, a bien voulu apporter son point de vue sur ce projet.

Selon M. Pépin, la soi-disant controverse entourant la reconstitution de la bataille des Plaines mérite, à son sens, que l’on rectifie le tir.

En premier lieu, M. Pépin se demande si les gens savent-ils réellement ce que c’est qu’une «reconstitution» ? Par exemple, comment un soldat écossais procédait pour escalader une falaise en pleine nuit, en terre inconnue avec 50 livres d’équipements sur le dos, sans savoir s’il n’y aura pas un comité de réception en haut de ladite falaise?

Autrement dit, le concept de reconstitution (« re-enactment ») pris au sens pur du terme comporte une dimension pédagogique. Par exemple, quand vous produisez un drame historique pour le cinéma, vous devez faire des recherches, engager des historiens, des figurants, dans le but de reproduire avec un maximum de fidélité une réalité donnée, tout en sachant qu’il s’agit au final d’une fiction basée sur des faits réels.

M. Pépin crois que ce qui choque certaines personnes c’est que l’événement annoncé relève davantage du spectacle pour touristes que d’une véritable reconstitution. «À mon sens, une reconstitution doit avoir une fin, soit pédagogique (ex : dire comment les hommes de l’époque ont vécu l’événement) ou commerciale (ex : la production d’un film)»..

Aux dires de l’historien, si erreur il y a de la part de la Commission des Champs de bataille nationaux (CCBN), c’est d’avoir, d’une part, manqué de clarté dès le départ sur les intentions et, d’autre part, d’avoir raté la mise en marché de leur produit auprès du public et des classes intellectuelles et politiques.

De plus, d’ajouter M. Carl Pépin, au-delà des controverses soulevées, le principe de la reconstitution est fortement critiqué, autant auprès des historiens que du grand public. Certains y voient une excellente façon de donner une idée de ce qui a pu se passer, alors que d’autres peuvent y voir une perversion de la réalité passée sans objectif défini.

M. Pépin soutient que «gagnant» ou «perdant», cela importe peu. L’histoire à la base, prise au sens du devoir de mémoire, est sujette à controverse. En septembre 2016 ce sera le centième anniversaire de la bataille de Courcelette, mais personne ne va commémorer cela, car ce n’est pas enseigné, même si nos soldats québécois en 1916 ont remporté cette bataille contre les Allemands. L’une de nos pires batailles de notre histoire militaire québécoise, dont même nos historiens les plus chevronnés ne connaissent pas…c’est pour dire à quel point on choisit bel et bien ce dont on veut se souvenir.

M. Pépin rappelle aussi un autre exemple, la bataille de Chérisy d’août 1918, «que je crois être notre pire défaite dans notre histoire militaire québécoise (700 hommes avant l’assaut ; 2 jours plus tard il en restait 39. Sur les 23 officiers au début de l’assaut, 0 à la fin)».

Question : qui s’en rappelle?
Et en ce qui concerne la récupération politique de tel événement, cela n’étonne pas du tout M. Pépin qui indique que les uns vont dire que c’est horrible, que cette défaite a scellé le destin de tout un peuple (vous connaissez la chanson) ; d’autres diront qu’au contraire, il faut accepter les faits et qu’on ne peut pas choisir les épisodes de l’Histoire qui font notre affaire (vous connaissez la chanson).

«La seule chose qui me dérange un peu, c’est l’investissement de fonds publics là-dedans, sans qu’il n’y ait eu de consultations préalables (du moins pas à ma connaissance). Oui, la CCBN le fait à partir de ses surplus budgétaires, mais on aurait quand même dû élargir la consultation, ne serait-ce que parce qu’il s’agit de fonds publics et que son président, M. Juneau, savait très bien la polémique engendrée essentiellement par ce déficit de transparence», de soutenir M. Pépin.

Au final, les gens feront bien ce qu’ils voudront
On pourrait débattre longtemps sur ce sujet passionnant, mais posez-vous toujours les questions suivantes : qu’est-ce qu’une reconstitution et qu’est-ce que cela implique ? Que veut-on enseigner ?

M. Pépin conclut en disant que l’ampleur que prend cet épisode est la résultante naturelle de notre méconnaissance collective de «notre» Histoire.

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