2/13/2008 1:23:12 PM
Jean-Denis Morin, président de la Fédération de l'UPA de la Beauce, vient de nous faire connaître ses premières réactions à la suite du rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire qui, selon lui, fait montre de bonnes intentions et suggère tout un chantier. Le défi sera grand et les producteurs sont prêts à changer des choses dans la mesure où les perspectives sont réellement porteuses d’avenir.
Des virages déjà amorcés
Aux dires de M. Morin, plusieurs éléments du rapport avaient obtenu des appuis par nombre d’acteurs du monde agricole et ont avantage à être renforcés, tel que le propose la Commission :
la réciprocité des règles encadrant la qualité et l’innocuité des aliments importés face à ceux de chez nous ;
la gestion de l’offre;
le support aux services-conseils, tant individuels que collectifs;
l’identification des produits du Québec;
le concept de souveraineté alimentaire et l’achat local.
Déjà en Beauce, des producteurs et productrices agricoles de la région s’impliquent dans la commercialisation de leurs produits avec des réseaux qu’ils développent eux-mêmes dans des secteurs tels : les fraises, les pommes, le cerf rouge et même le porc et le bovin. Par ailleurs, certains ont jugé à propos de se regrouper pour faciliter l’accès de leurs produits aux consommateurs en mettant sur pied des marchés publics, des comptoirs de distribution, ou encore un marché de solidarité où le consommateur peut commander ses produits par Internet. Il s’agit d’initiatives fort intéressantes qu’il faut continuer d’encourager.
Les producteurs agricoles ont déjà fait preuve d’adaptation dans le passé. Rappelons qu’il y a une vingtaine d’années, l’ouverture sur les marchés devait lancer l’agriculture sur la voie de la prospérité. L’Union des producteurs agricoles était parmi les groupes à questionner les conséquences d’une adhésion au libéralisme économique mur à mur. Aujourd’hui, plusieurs sont à même de constater l’affaiblissement des revenus des producteurs, ici comme ailleurs. Même si le rapport Pronovost met en valeur la transition vers une agriculture plus verte et multifonctionnelle et souligne l’importance des préoccupations des citoyens pour leur santé et leur environnement, on doit tenir compte de leur comportement plutôt paradoxal où la «walmartisation» fait encore loi.
Quant au signal donné par la Commission d’accorder des compensations pour supporter la production agricole protectrice de l’environnement, il mérite d’entre entendu. De telles orientations ont été maintes fois exprimées par les producteurs et productrices agricoles, eux qui investissent depuis plusieurs années dans la gestion de leurs fertilisants avec des éco-conseillers, la protection des bandes riveraines, la réduction de l’utilisation des pesticides, la protection des puits, etc.
Des dérapages à éviter
Des éléments suscitent beaucoup d'interrogations, particulièrement en matière de soutien à l'agriculture. Le modèle proposé est calqué sur un modèle européen, alors que nous, ici au Québec, évoluons dans un contexte économique, politique et social nord-américain fort différent où les notions d’occupation du territoire, de protection des paysages et de multifonctionnalité sont beaucoup moins présentes et importantes. La Commission propose tout un chantier, mais soutient dès le départ qu’il n’y a pas lieu d’investir davantage de budgets. N'est-ce pas un peu étonnant quand on connaît l’ampleur du support que nécessite le modèle européen?
Dans l'aménagement du territoire, on peut s'interroger si les ouvertures proposées mèneront au morcellement indu de la zone agricole et à son éclatement. Il serait fort probablement plus sage de planifier d'abord le développement la zone agricole avant d’y multiplier les usages et de la laisser se morceler.
Selon M. Morin, « lorsqu'il est question d'étouffement de l'agriculture, les producteurs et productrices agricoles auront une oreille attentive à la volonté exprimée de simplifier certaines règles ou règlements, eux qui sont soumis à une multitude de permis et règlements. Par contre, si on entend affaiblir les règles qui nous permettent de travailler collectivement ou de favoriser la division, je doute fort que nous serons porteurs de telles idées. Cependant, nous sommes et serons toujours ouverts lorsque la société et le consommateur traduiront leur volonté par des achats conséquents à leurs exigences ».
Si l’accréditation syndicale de l’UPA est remise en question par le rapport de la Commission, la position de M. Morin est claire : « …on n’y retrouve rien qui avantagerait la représentation multiple des agriculteurs, ni l’efficacité de leurs interventions. À qui profiterait réellement la division des producteurs et productrices agricoles, alors que leur nombre diminue sans cesse? ».
Le président de l’UPA de la Beauce est d’avis que ce rapport contient des recommandations qui méritent d’être évaluées, mais tient à rappeler qu’elles ne règlent en rien, à court terme, les difficultés financières que vivent actuellement les producteurs de porcs et de bovins entre autres. « Oui, il faut réajuster notre agriculture pour un avenir meilleur. Il faut aussi s’assurer de le faire avec les producteurs agricoles », conclut le président de l’UPA de la Beauce.
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