Avertissement : Cette chronique pourrait contenir des propos susceptibles de choquer les âmes sensibles. La supervision des parents est suggérée.
Le témoignage de Gilles Cloutier devant la Commission Charbonneau la semaine dernière valait à lui seul une soirée au Festival Juste pour Rire. Durant des jours, Gilles Cloutier nous a donné un cours portant sur l'organisation d'élections au Québec.
Élections clés en main
Le roi de la « crossette » électorale nous a expliqué comment ça se fait une élection.
Voyons d'abord qui est Gilles Cloutier. Depuis des lunes, cet individu était reconnu comme un organisateur d'élections. Mais, pour gagner sa vie, Gilles Cloutier oeuvrait à titre de Vice-Président au développement des affaires pour la firme d'ingénieurs Roche, puis, par la suite pour Dessau.
Pour monsieur Cloutier, le développement des affaires prenait une tournure particulière. Il offrait ses services à des candidats à la mairie d'une municipalité ou à un candidat au poste de député. Les services en question consistaient à prendre en main l'organisation de la campagne avec tout ce que cela implique : trouver le financement, embaucher les bénévoles, faire le pointage et s'assurer de sortir le vote. C'était un projet clés en main. Tu me donnes carte blanche et je te fais élire.
En retour, une fois que tu seras élu maire ou député, tu t'organiseras pour que la firme que je représente obtienne de lucratifs contrats. Pas plus compliqué que ça.
Tout au long de son témoignage, Gilles Cloutier décrit dans les moindres détails sa façon de faire : financement « cash » illégal, utilisation de prête-noms, bénévoles payés, double comptabilité, fausses factures, etc. Comme si cela n'était pas suffisant, il n'hésite pas à nommer les maires ou députés pour lesquels il a travaillé. Et, si l'on en croit ses propos, il parvenait à faire élire la très grande majorité des candidats qui avaient requis ses services.
À sa façon de raconter ses faits d'armes, Gilles Cloutier est fier de son bilan. Il se permet même de donner une leçon à la Commission en déclarant qu'il est impossible d'organiser une élection aujourd'hui avec les budgets qui sont alloués. Alors, dans ce cas, il suffit de trouver quelques tours de passe-passe pour détourner la loi. Quant aux candidats, il suffit de fermer les yeux et de laisser mon oncle Gilles faire le sale boulot, tout en n'oubliant pas de lui retourner l'ascenseur une fois élus.
Une bande d'hypocrites
Franchement, le témoignage de Gilles Cloutier nous changeait de cette bande de « crosseurs » qui prétendaient ne pas savoir, n'avoir rien vu, ne plus se souvenir et ainsi de suite, alors que, dans les faits, ils étaient complices de ce système d'élections clés en main corrompu jusqu'à l'os.
Je me suis beaucoup amusé à écouter le témoignage du roi des « crosseurs » d'élections, j'ai même ri à de nombreuses reprises alors qu'il fournissait des détails juteux sur sa façon de faire.
Mais, après coup, je dois vous avouer que je trouvais tout ça triste à pleurer. Que l'on en soit rendu là pour organiser des élections, pour élire nos maires et députés, ça dénote un état de corruption généralisé ou presque.
Finalement, c'est vous et moi qui payons pour ces petits jeux de « crossettes ». Que des firmes d'ingénieurs réputées se complaisent dans de telles entourloupettes, ça me scandalise. Comme si la corruption de nos élus était devenue, au cours des ans, une façon de développer des affaires. On n'obtient plus des contrats parce que l'on est compétent et que l'on a un prix raisonnable; non, on tripote, on s'abaisse à brasser de la merde, à corrompre les élus que l'on tient par les couilles une fois qu'ils se sont prêtés au jeu et, ainsi, on empoche des millions en fourrant les contribuables. Édifiant!
Je dois vous avouer que, de ce temps-ci, lorsque je regarde un politicien, j'ai de la difficulté à ressentir un peu de respect. Je sais, vous me direz qu'ils ne sont pas tous corrompus, mais je me demande combien il en reste qui ne se sont pas encore prêtés à ces « crossettes »?
Pensée de la semaine
Je dédie la pensée de la semaine à nos dirigeants politiques : « La vérité est toujours teintée par la couleur de nos intérêts. » - Stéphane Laporte