12/12/2007 12:00:38 AM
En tant qu’ex-opérateur d’une entreprise ferroviaire (Trains touristiques de Chaudière-Appalaches) et observateur assidu du développement de l’industrie ferroviaire nord-américaine par le biais de publications mensuelles et de contacts, j’ai cru bon de produire ce texte afin de montrer l’autre côté de la médaille dans ce débat concernant l’avenir de la voie ferrée entre Vallée-Jonction et Daaquam. Les raisons me poussant à écrire ces mots sont les propos tenus par les promoteurs de la piste cyclable dans la MRC Robert-Cliche. Je me questionne pourquoi Robert-Cliche, contrairement aux deux autres MRC de la Beauce, n'a rien fait en 10 ans pour leur piste cyclable. Beauce-Sartigan et Nouvelle-Beauce ont inauguré la Route Verte malgré la voie ferrée, mais PAS UN MÈTRE de voie cyclable en Robert-Cliche... rien; et maintenant son sort repose sur la méchante voie ferrée… je crois qu’il est légitime de mettre les pendules à l’heure.
Depuis plusieurs années, on assiste en Amérique du Nord à une croissance soutenue de l’utilisation du train. Les carnets de commandes pour des wagons neufs sont pleins, les sommes investies dans les infrastructures par les compagnies de chemins de fer atteignent des sommets. De nouvelles voies sont construites et même en région, où on a eu la sagesse de ne pas démanteler des voies ferrées dormantes depuis des années, on ouvre celles-ci de nouveau. Bref, le chemin de fer a le vent dans les voiles, mais pourquoi pas en Beauce?
Une première expérience :: Les promoteurs de la piste cyclable avancent que parce que les entreprises de la région n’ont pas assez encouragé Jean-Marc Giguère, il n’y a plus rien à faire avec le chemin de fer Je crois que c’est une erreur de jugement, si monsieur Giguère avait la chance de recommencer, je suis persuadé que son plan de développement et d’opération serait différent. Il y a des raisons très précises expliquant cet échec. Par analogie, ce n’est pas parce qu’un restaurateur manque son coup que tous les restaurants sont voués à l’échec. Un nouvel opérateur ferroviaire avec une approche différente pourrait très bien réussir. De plus, il n’y a pas que le bois qui peut être transporté par train, d’autres opportunités sont là.
Deux poids, deux mesures? : Un autre argument discutable est celui des coûts de réparation ou de reconstruction de la voie ferrée. Certains trouvent effroyable l’idée d’investir 25 millions pour reconstruire les 112 kilomètres de voies (ou la réparer avec les rails actuels pour 7.5 millions), pourtant les quelque treize kilomètres du nouveau tronçon d’autoroute ont coûté 77 millions! Une infrastructure n’est pas une vieille voiture, ça se répare. C’est très bien d’avoir l’autoroute, mais une alternative de transport pour nos entreprises n’est pas négligeable dans l’économie d’aujourd’hui et de demain.
La mondialisation des marchés: et la concurrence accrue qui en découle demandent à nos entreprises d’être plus compétitives. Le transport par train est en moyenne trois fois moins cher, ça ne compte pas ça? Quant à la vitesse, il ne faut pas juger par la vitesse du train sur une courte distance en région, mais bien sûr l’ensemble du trajet. Les wagons, une fois rendus sur un grand réseau comme le Canadien National, peuvent circuler à 100 kilomètres-heure, pas d’embouteillage aux frontières ni dans les grandes villes. Nos entreprises locales exportent de plus en plus loin et les frais de transport et de logistique ont une influence majeure sur le prix de vente qu’on peut espérer obtenir. Plusieurs utilisent déjà le train, mais doivent transborder du camion au train à Québec et Montréal. Ils peuvent économiser plusieurs milliers de dollars annuellement en frais de transport s’ils pouvaient charger sur le train dans la région.
Le coût de l’énergie et l’écologie :: Personne n’a besoin d’une boule de cristal pour savoir que le prix du carburant va monter constamment dans les prochaines années. Le train transporte une tonne de marchandise avec un gallon de carburant sur une distance sept fois plus grande qu’un camion et il est cinq fois moins sensible aux variations du prix du carburant. Une solution serait d’implanter un parc logistique où on retrouve une cour intermodale pour les conteneurs, des entrepôts et sites de transbordement rail-route près d’une desserte d’autoroute afin de minimiser l’impact des coûts de transport pour les entreprises. Devinez qu’est-ce qui sera le plus avantageux dans les prochaines décennies? De plus, de nouvelles locomotives hybrides ou fonctionnant à l’hydrogène font leur apparition rendant ce mode transport encore plus écologique.
Ville Saint-Georges :: Le maire de Saint-Georges est un visionnaire et le développement rapide de sa ville le démontre bien. Une métropole régionale comme Saint-Georges ne peut se priver d’un facteur de localisation pour l’implantation d’une future entreprise alors que Thetford-Mines et Ste-Marie conservent leur service ferroviaire. Même la MRC Robert-Cliche aura cette possibilité puisque la voie ferrée (appartenant maintenant au ministère des Transports) entre Lévis et Sherbrooke passe par St-Frédéric et Tring-Jonction. Victoriaville regrette amèrement d’avoir laissé démantelé sa voie ferrée pour la transformer en piste cyclable, il maintenant trop tard. Quant aux entreprises de Montmagny et des Etchemins, leurs travailleurs viennent dépenser dans la Beauce, alors donnons-leur la possibilité de conserver leur emploi.
Les routes : L’état déplorable de nos routes entraîne des dépenses croissantes pour les reconstruire et avec la population vieillissante, le poids de l’entretien de nos infrastructures sera de plus en plus lourd à supporter. Le chemin de fer soulage nos routes de plusieurs fardiers et réduit la fréquence des réparations.
CONCLUSION :
Même si la relocalisation de la piste cyclable coûtait possiblement plus cher, il faut regarder la facture globale sur plusieurs années, notamment l’usure du réseau routier. La piste cyclable entre Thetford-Mines et Blake Lake a coûté moins de 100 000$ par kilomètre avec le pavage inclus et elle a été bâtie à travers des champs, pourquoi cela coûte si cher dans la Beauce? Les deux projets améliorent la qualité de vie, faisons donc en sorte que ceux-ci se concrétisent nous évitant ainsi de graves remords dans quelques années.
Martin Laflamme
P.S Aucun autre commentaire ne sera émis suite à cette lettre, car je crois pour ma part avoir été au fond des choses.
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